Mais le panorama n’a pas changé depuis novembre 2018 : la rue latérale et le parking d’un supermarché désuet – où l’on a vu « un grand-père de 70 ans dormir dans sa voiture pendant un mois » – et dont la station-service est toujours ouverte. Ce mardi après-midi, le panneau lumineux affiche le diesel à 1 829 euros. Nous sommes à la veille de l’effondrement des remboursements. “Quand tout a commencé, le 17 novembre 1998, c’était 1,50 euro. Les prix montent en flèche. Et, qui sait pourquoi, plus personne ne bouge », raconte Antonio* qui vient de garer sa camionnette en rentrant du travail, de décharger du matériel et d’enfiler sa veste également.

« Comment peut-on être heureux dans un tel système ? »

déclaration d’échec? “Il y a eu la prime, ironiquement appelée la prime Macron, mais c’est en fait la prime ‘gilets jaunes’, et puis il y a eu beaucoup de lois libératrices et antisociales, ils ont même testé une future dictature avec le pass santé.” , résume sobrement Antonio. Sans se décourager. “La rébellion, ça fait des étincelles, nous sommes là pour entretenir les braises.” “On ne sait pas quand, mais ça viendra, forcément”, abonde Christine, une retraitée du quartier qui a renoncé à sa carte bancaire et n’a plus jamais eu de nouvelles. « Nous sommes peut-être un peu fous, mais comment pouvons-nous être heureux dans un système comme celui-ci ? fait écho à Thierry, avant de poser sur la table un pot de confiture de mirabelle. “Si nous sommes encore là, c’est la résistance à un système qui maltraite les pauvres”, explique Antonio. “Avec des gens corrompus à tous les niveaux”, poursuit Christine. Les “gilets jaunes” du Lauragais sont prêts à manifester à Toulouse ce samedi 19 novembre, quatre ans après l’allumage de leur mouvement. – H. Ménal Ces trois “gilets jaunes” n’ont pas grand-chose en commun. Ils reconnaissent qu’ils ne se seraient jamais rencontrés sans leurs partenaires et se contentent pour le reste de la semaine de “regarder l’équipe” à distance. Pourtant, ils finissent les phrases de l’autre, cherchent l’approbation dans les yeux de leurs camarades de classe avant de s’allumer. Une complicité créée depuis quatre ans d’échanges, d’AG “croisées” avec les Tarnais et les Toulousains et pour les “actions de visionnage” bimensuelles du samedi ou encore les fameuses séances du mardi soir, autour d’un pack de bière et d’un thermos de café. “On n’est pas d’accord sur tout, mais on est d’accord sur l’essentiel”, assure Antonio. Des dizaines de manifestations à Toulouse, qui se sont rendues dans les commissariats, “pour se procurer des gaz lacrymogènes et des grenades assourdissantes” ont également renforcé les liens. “Il y a des choses qu’on a vécues dont on se demande si elles se sont vraiment produites”, confie le calme Thierry, qui avoue être sorti “fatigué”, moralement et physiquement, de l’épisode.

“J’aime Macron” ou le klaxon heureux

Le noyau dur du groupe “Lauragais en colère” est composé d’une dizaine de personnes. “Nous avons à peu près entre 40 et 60 ans”, assure Antonio. “Et plus de la moitié du travail”, ajoute-t-il comme pour repousser “Allez travailler, fainéants !” » parfois lancés par des automobilistes, lançant des bidons en appui. Des vandales ont même peint “J’aime Macron” sur leur cabine cet été. Mais ces manifestations d’hostilité sont bien moins fréquentes que les coups de klaxon, qui montent allègrement et en nombre ce mardi après-midi depuis le département. A Villefranche, quatre ans plus tard, les “gilets jaunes” font partie du décor. Et alors qu’ils enfilent leurs masques à gaz et leurs lunettes de natation pour fouler le pavé pour la première fois depuis longtemps samedi à Toulouse, ils ne cherchent pas désespérément “une autre démocratie”. Un vrai”.

  • Le nom a été changé