Posté à 5h00
Le 20 mai 2021, la police de Lévis a mené une enquête sur Gérald Nicolas, hôtelier et ancien propriétaire d’une résidence pour personnes âgées sur la Rive-Sud dans la province de Québec. Un cas malheureusement courant de nos jours : un ancien ami de M. Nikolas a porté plainte pour harcèlement et diffusion d’images personnelles sans son consentement. M. Nikolas se rend en Haïti, son pays d’origine, pendant les enquêtes. La police saisit toujours ses appareils électroniques et ceux de sa nouvelle épouse. Ils découvrent bien plus que des preuves de harcèlement ou des photos personnelles, précisent-ils dans leur rapport. Selon les messages échangés entre l’homme et sa femme, le suspect semble profiter de son voyage pour organiser une rébellion armée visant à renverser le gouvernement haïtien, lit un mandat de perquisition déposé au tribunal et consulté par La. Presse . L’homme de 50 ans dit avoir trouvé un appartement en République dominicaine avec l’aide du cousin de sa femme, un policier dominicain qui lui a également servi de chauffeur pendant un certain temps. Il envoie une photo d’un volontaire recruté pour mener la révolution. Il dit qu’il participe à des réunions, que les « guerreros », comme il dit, sont en train de tout mettre en place. “Ça commence à devenir sérieux”, a-t-il déclaré dans un SMS qui, selon la police, a été enregistré. Il dit avoir signé un bail d’un an pour louer un terrain à la frontière entre Haïti et la République dominicaine et prévoit de loger 50 personnes dans un camp. Il échange des preuves de virements destinés à des complices responsables de l’achat des armes puis se plaint d’avoir été escroqués. Il demande de l’aide pour contacter un colonel dominicain et plus tard un politicien de ce pays. Il cherche surtout des contacts qui lui fourniront de quoi équiper ses hommes, ce qu’il trouve difficile, lit-on dans le résumé de ses messages déposés par la police au palais de justice.
Recrutement et financement
La police de Lévis est alarmée. Le dossier est transféré d’urgence à la Gendarmerie royale du Canada (GRC). Une enquête a alors été lancée par l’équipe intégrée de sécurité nationale. PHOTO CHANDAN KHANNA, DOSSIER AGENCE FRANCE-PRESSE Jovenel Moïse, alors président d’Haïti, en janvier 2020 « L’enquête démontre qu’il s’est rendu en Haïti et dans d’autres pays pour recruter, financer et acquérir des armes », a déclaré le caporal Charles Poirier, porte-parole de la GRC, en entrevue avec La Presse. L’objectif, selon le procès, était de renverser le gouvernement du président Jovenel Moïse, qui était au pouvoir de 2017 jusqu’à son assassinat en 2021. On parle vraiment de révolution armée, j’insiste là-dessus. Aucune arme n’a été achetée, mais il a essayé. Caporal Charles Poirier, porte-parole de la GRC, concernant Gérald Nicolas De retour au Canada en juin 2021, Gérald Nicolas a été interrogé par la police de Lévis au sujet de la plainte de harcèlement portée contre lui. “Nicolas a dit aux enquêteurs qu’il voulait retourner en Haïti bientôt et que la révolution est le seul moyen de changer les choses”, a résumé un enquêteur de la GRC dans un affidavit. L’équipe intégrée de la sécurité nationale découvre une photo de lui sur une arme à feu, l’arme à la main. Les enquêteurs retrouvent ses posts sur les réseaux sociaux, où il se dit le chef de file de la révolution « canado-haïtienne ». « Il ajoute que la révolution doit être armée et avec une violence sans précédent, que les responsables doivent tous mourir pour qu’Haïti se reconstruise », résume un enquêteur de la GRC.
De nombreux voyages
La police retrace ses derniers voyages : Cuba, Haïti, République dominicaine, Colombie, États-Unis. Ils retracent 120 000 $ de virements électroniques suspects, toujours selon des documents déposés au tribunal. Dans un message, il demande également à son neveu d’envoyer une boîte d’uniformes militaires au cousin policier de sa femme à Saint-Domingue. Les enquêteurs de la Sûreté nationale interrogent également son ex-petite amie, qui affirme être harcelée (son identité est protégée par une ordonnance de non-publication car elle est la victime d’une affaire pénale déposée pour diffusion non autorisée d’images personnelles). Il leur dit que Gérald Nicolas voulait acheter un “tank” lors de son voyage à Cuba, lisent les mandats de perquisition. Il a également déclaré qu’il avait l’intention de négocier une reddition sans effusion de sang du gouvernement haïtien une fois que son groupe armé serait entré dans le pays. Elle ajoute qu’elle ne sait pas s’il est juste un grand bavard ou s’il fait des choses spécifiques. Sur l’ordinateur du suspect, la police trouve des documents qui laissent présager quelques folies des grandeurs : il aurait rédigé un document demandant l’aide de la Chine pour “former et équiper un petit groupe d’hommes” qui pourraient “prendre le pouvoir en Haïti en 2022”. Il écrit également au consulat de la République dominicaine et demande une aide militaire pour intervenir en Haïti. La GRC prend cela très au sérieux. « Bien que Nicolas ait déclaré vouloir des actions pacifiques, ses démarches pour acquérir des armes et des hommes suggèrent néanmoins une menace de violence et/ou de préparation à un conflit armé avec les forces de l’establishment politique susceptible de mettre en danger la vie et la sécurité des personnes impliquées dans la population haïtienne. », résume le chercheur Gabriel Lemaire dans un affidavit présenté à un juge. Le côté sectaire du plan pourrait faire sourire : un hôtelier québécois qui tente de monter à lui seul un groupe armé pour prendre le pouvoir dans un pays de près de 12 millions d’habitants. Toujours est-il qu’en juillet 2021, un petit commando de mercenaires colombiens est bien entré en Haïti par la République dominicaine et a réussi à assassiner le président Jovenel Moïse. La GRC a déclaré jeudi que le complot auquel Gérald Nicolas est lié n’a rien à voir avec cette attaque bien réelle. Ce sont deux fichiers distincts. La sécurité des résidents de Lévis n’était pas non plus menacée, selon la police. « La sécurité des gens ici n’était pas menacée, elle se dirigeait en fait vers Haïti », assure le caporal Charles Poirier.
Il dit qu’il est victime d’un coup monté
Gérald Nicolas a été arrêté en novembre 2021 puis relâché dans l’attente d’un complément d’enquête. Pas plus tard que jeudi, il a été inculpé de trois chefs d’accusation : avoir quitté le Canada pour faciliter des activités terroristes, faciliter des activités terroristes et fournir des biens à des fins terroristes. L’acte d’accusation déposé en cour précise que les faits se sont déroulés à Montréal, Québec, Haïti et en République dominicaine. M. Nikolas aurait fourni de l’argent, un générateur et des tentes à des fins terroristes, selon l’accusation. La poursuite dans l’affaire de terrorisme est représentée par Me Philippe C. Legault et Me Henri Bernatchez, de la Couronne fédérale. L’accusé doit comparaître devant un tribunal de Québec le 1er décembre. Il sera également de retour devant le tribunal le 25 novembre pour recevoir sa peine dans l’affaire de diffusion de photos privées de son ex-petite amie sans son consentement. « C’est un monsieur d’origine haïtienne qui a des activités légales ici. Il est très surpris, très déçu et compte bien se défendre vigoureusement. Il a toujours clamé son innocence, il dit qu’il n’est impliqué dans aucune activité illégale », a expliqué l’avocat de l’accusé, Me Tiago Múrias. La Presse a demandé à M. Múrias si les idées de grandeur résumées par les policiers pouvaient justifier une évaluation psychiatrique de son client avant le procès, pour s’assurer qu’il était dans son bon sens lorsqu’il rédigeait ses messages. “Pas du tout,” répondit-il. L’accusé n’était pas disponible…