“Les gens l’aimaient déjà. Mais en montrant un côté imparfait de lui, en se présentant comme un homme qui combattait ses démons, il cherchait encore plus l’amour public », souligne sa fille Anne Elizabeth Lapointe, qui dirige aujourd’hui la Maison Jean Lapointe. , que son père a fondé. 1982. Avant de devenir un porte-drapeau de la lutte contre les dépendances, Jean Lapointe a eu une carrière prolifique dans le monde du divertissement. D’abord au cabaret dans les années 1950, puis comme comédien dans le duo comique Les Jérolas, aux côtés de Jérôme Lemay, jusqu’en 1974. Il a été l’une des premières célébrités à admettre avoir un problème d’alcool. Cela a vraiment aidé à faire avancer l’affaire et à briser les idées préconçues. […] Le fait qu’une personnalité aussi aimée expose ses défauts a changé les perceptions. Au cinéma, il jouera dans deux des plus grands chefs-d’œuvre du cinéma québécois : Ordrespar Michel Brault, en 1974, et eau chaude eau de freta, par André Forcier. “C’est un être exquis. C’est un être au grand coeur qui a réussi à créer du lien avec les autres comédiens”, raconte l’actrice Sophie Clément, qui fut sa compagne dans Freta d’eau chaude. Il n’a jamais éprouvé le moindre dédain pour ce comédien, grande star de la variété, qui a joué des rôles dramatiques dans des films d’auteur. “Au contraire, il y avait un énorme respect”, souligne Sophie Clément. Ses talents de comédien ne font plus de doute lorsqu’il endosse le rôle de Maurice Duplessis dans la série biographique réalisée par un certain Denys Arcand, alors au début de sa carrière. Jean Lapointe est étonnant dans la peau de l’homme puissant de la Grande Noirceur, qui apparaît parfois comme un être vulnérable. Le dialogue de 15 minutes entre Maurice Duplessis à l’hôpital et Adélard Godbout est entré dans l’histoire. Certains, dont PQ Pascal Bérubé, sont allés jusqu’à demander vendredi à Radio-Canada de rediffuser la série Duplessis pour rendre hommage à Jean Lapointe. Une chose est certaine, toute la classe politique, de Justin Trudeau à François Lego, a tenu à saluer le départ de ce géant. « Jean Lapointe était un monument de la culture québécoise et une source d’inspiration pour des milliers de personnes. La Maison Jean Lapointe est avant tout l’un de ses héritages les plus précieux », a écrit Valérie Plante sur Twitter.

Le combat de sa vie

Ami proche de Félix Leclerc, Jean Lapointe connaît également un immense succès comme auteur-compositeur-interprète dans les années 1970 et 1980. chante ta chanson. « Il se décrit avant tout comme flashy. Mais je pense que son truc préféré était la scène. Il aimait jouer, mais n’aurait pas eu la patience de passer sa vie sur des plateaux de tournage. C’est sur scène qu’il était le plus heureux. Quand ils ont allumé le Kodak, il s’est allumé aussi. C’était vraiment une bête de scène », raconte son fils unique, l’animateur Jean-Marie Lapointe. Mais alors qu’il brillait sur les planches et à l’écran au début des années 1970, Jean Lapointe était rongé en coulisses par ses problèmes d’alcoolisme. Après de nombreux traitements, il finira par reprendre le dessus sur ses démons, mais il faudra attendre le début des années 1980 pour qu’il parle ouvertement de son combat. “Il a été l’un des premiers personnages connus à admettre qu’il avait un problème d’alcool. Cela a vraiment aidé à faire avancer l’affaire et à briser les idées préconçues. A la fin des années 1970, un alcoolique était encore ivre, paresseux. Pour une figure aussi aimée, exposer ses défauts a changé les perceptions », se souvient Anne Elizabeth Lapointe, dont l’admiration sans bornes pour son père, qui sera sobre depuis plus de 40 ans, se fait sentir.

L’anti-politicien

Son engagement contre les addictions lui avait valu une nomination sénatoriale en 2001 par Jean Chrétien, une expérience qu’il n’a finalement pas appréciée. D’autant plus que son travail pour mieux superviser l’installation des appareils de loterie a été vain. « Notre grand-père était député fédéral, alors quand il a été nommé sénateur, c’était une immense source de fierté pour lui. Au début, il était très motivé. Mais il a perdu ses illusions après avoir échoué à régler les machines à sous. Disons que de tout ce qu’il a accompli dans sa vie, la politique n’était pas vraiment ce dont il était le plus fier”, avoue Jean-Marie Lapointe, qui estime que son père était trop honnête, trop direct pour le jeu politique. “Il était vraiment honnête. Il a dit ce qu’il pensait et a fait ce qu’il a dit. Il se fichait de ce que les gens pensaient”, ajoute-t-il. Il ne manque pas non plus de souligner que derrière cette force de caractère se cache une grande vulnérabilité. Jean Lapointe siégera à la Chambre haute jusqu’en 2010, année de son 75e anniversaire, l’âge obligatoire de la retraite des sénateurs. Dans l’une de ses dernières entrevues à Radio-Canada en janvier dernier, cet ancien fédéraliste convaincu, fils d’un ancien député libéral, confiait maintenant qu’il espérait un Québec souverain. «L’indépendance du Québec viendra un jour ou l’autre, et je l’espère», a-t-il confié à Patrice Roy, parlant des deux solitudes irréconciliables qu’il avait observées durant ses années à Ottawa.

Reconnaissance

Après la politique, Jean Lapointe va renouer à plein temps avec son premier amour, qu’il n’a jamais vraiment quitté. Le retour sur scène de Jérolas tourne cependant court en 2011 lorsque son complice Jérôme Lemay décède quelques semaines après avoir été victime d’une crise d’épilepsie en pleine représentation. La même année, il reçoit l’hommage du Jutra pour l’ensemble de sa carrière cinématographique, qui n’est pourtant pas terminée. Et pour cause : ce soir-là, il recevait également le Jutra du meilleur second rôle masculin pour son émouvante prestation. Au début d’un cri, de Robin Aubert. Un prix pour lequel il avait déjà remporté en 2005 Le dernier tunnel d’Érik Canuel, pour lequel il a également remporté le prix Génie du meilleur acteur dans un second rôle. Le réalisateur n’a que de bons souvenirs du tournage de ce projet où Jean Lapointe partageait l’affiche avec Michel Côté. « Jean Lapointe était réel. Si nous pouvons lui attribuer quelque chose, c’est qu’il a toujours été entier. C’était un homme torturé, mais il a su, par sa grande humanité, comment retourner la situation pour aider les gens”, conclut-il.

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